Qui étaient les « Poilus » de Sauvagnon ?

Sauvagnon a payé un lourd tribut lors de la première guerre mondiale. Portraits de « poilus » qui n’ont jamais revu le pays

Cyprien, Félix, Justin, Edmond, Joseph, Amédée, ou encore Octave, etc… : leurs prénoms sont le reflet d’une toute autre époque disparue lors de la boucherie qu’aura été la « Grande Guerre», le premier conflit mondial (1914-18). Le monument aux morts de notre commune, édifié il y a bientôt un siècle (en 1922), affiche les noms de ces agriculteurs, tuiliers, garçons de ferme, tués au combat, purement et simplement disparus ou grièvement blessés avant de s’éteindre sur un lit de fortune ou dans une
ambulance envoyée au front. Mais, au fond, que sait-on vraiment de ces artilleurs, cuirassiers, membres de régiments d’Infanterie ou du Train, aviateurs, chasseurs à cheval parfois… Il reste aujourd’hui la mémoire écrite, ou pas, des familles  Le fruit aussi de longs travaux de recherches menés par quelques passionnés (lire par ailleurs). Alors, grâce à tout cela et sans prétendre à l’exhaustivité ni oublier personne, voici quelques tranches de vies des 37 « poilus » sauvagnonnais identifiés, réunis à jamais dans la mort et pour l’Histoire. 

Ils avaient 19 ou 20 ans

Commençons par les plus jeunes, ceux auxquels la guerre n’aura pas laissé de répit. Jacques-Henri Courrèges, par exemple. Ce tuilier de 21 ans, engagé dans l’infanterie sous le matricule 1221, a perdu la vie au bout d’un mois, en janvier 1915. Son copain Jacques-Bernard Masseillou, plus jeune de 2 ans et qui repose à la nécropole nationale de Ablain Saint-Nazaire (62), lui a survécu huit mois de plus, jusqu’en septembre. Arrêtons-nous aussi sur les destins communs et tragiques de Jean-Mathieu (Lamazaa), Louis (Sansarricq) et Jean- Guillaume (Toujaret-Bigne), trois « poilus » sauvagnonnais, fauchés l’année de leurs 20 ans. Disparu la veille, le premier n’a pas eu le temps de fêter la Noël 1914 tandis que le second subissait un sort identique, à Perthes, seulement 8 jours plus tard. Les blessures infligées au troisième nommé – un chasseur à cheval – lui avaient été fatales dès la mi-septembre.

Août 1914 : Un mois sanglant

Pour eux, l’horreur s’est imposée tout de suite, quelques jours après la déclaration de guerre, au cours d’un mois d’août particulièrement sanglant. Funeste coïncidence, Jean-Baptiste Quintaa (25 ans), un caporal du 18e RI, et le cultivateur Edouard Pargade-Lu (29 ans) sont ainsi tombés tous deux le 24. A quelques heures d’intervalle, pris lui aussi dans le bourbier d’Eton (55), Jean- Baptiste Lacoste tombe également, à 31 ans. Le sacrifice de ce cultivateur est rappelé à la nécropole de Pierrepont (tombe 910), en Meurthe-et-Moselle.La famille de Jean-Baptiste rappelle que ce soldat avait, avant-guerre, déjà vécu un épouvantable drame personnel, perdant à quelques jours d’intervalle son épouse et deux enfants jumeaux. Puis, au sein d’un régiment (le 283e RI) essentiellement composé de gars du Sud-Ouest, il a « connu un baptême du feu très dur ». « Le 24 au matin », racontent ses proches, « des obus incendiaires provoquent des incendies sur le plateau d’Eton. Les obus éventrent les chevaux et les hommes meurent dans d’atroces souffrances. Un vrai massacre ! » 850 hommes, soit la moitié du régiment, sont, ce jour-là, blessés ou tués. Parmi ces derniers se trouve le valeureux caporal de Sauvagnon. 


Les Sarrailhe, tombés tous les deux

Sans être hélas un cas unique, ce conflit a particulièrement endeuillé la famille Sarrailhé. Jean-Marie-Octave (28 ans) ainsi que Jean-Georges, son cadet de 4 ans, seuls garçons d’une fratrie de 6, n’en sont pas revenus. Le premier, membre d’un régiment de cuirassiers, a payé le prix du sang, début mai 1917, à Allemont, sur ce « chemin des Dames » de sinistre mémoire. 15 mois plus tôt, son frère, engagé dans l’infanterie et inhumé à Châlons (51), était décédé à l’hôpital. « Ils étaient les fils de Bernardin Sarrailhé et Angélique Cazanave, une famille  qui habitait le quartier de la route de Bordeaux. A la fin de la guerre, c’est leur sœur Augustine qui a repris la ferme », se souviennent leurs descendants.


Les citations du sergent Miou

On parle là de Jean Miou, un officier monté au feu pendant 3 ans. Tué à Sancy, dans sa 40e année, ce sauvagnonnais devenu matelot s’est particulièrement fait remarquer. Nous avons retrouvé quelques-unes de ses citations. En octobre 1915, il était noté que ce militaire « méritant, courageux, dévoué, plein de bonne volonté, a surveillé et dirigé
pendant les derniers combats des corvées de ravitaillement à proximité de l’ennemi malgré le terrain difficile et le bombardement. Déjà en mai dernier, sous de violentes rafales d’obus, il s’était porté au secours de militaires de sa compagnie ensevelis par des obus »
Puis le 21 novembre 1917, il est mentionné ceci : « Chef très énergique d’une section de mitrailleuses, il a, malgré un violent bombardement, continué à assurer le service de ses pièces jusqu’au moment où il a été frappé mortellement à son poste de combat » Son nom est gravé à Crouy, sur les murs de l’une des nécropoles nationales qu’on trouve dans l’Aisne. Le même hommage y est rendu à d’autres enfants du pays, jamais revenus à Sauvagnon : J.-Sylvain Poumeroulou, Jean Hiaa, Jean-Marie Boubil...
Merci aux familles des soldats qui nous ont écrit, mais aussi à Anne-Claire et Philippe Taddeï.

C’est en décembre 1922, sous la neige, qu’avait été inauguré le monument aux morts du village

MORTS POUR LA FRANCE
Leurs noms figurent sur le monument aux morts de Sauvagnon: Jean Bertranine (mort à 27 ans), Jean-Marie Bouhil (22), Pierre Carrère (27), Pierre-Victor Castaing (30), Cyprien Castaing-Lavie (34), Félix Castaing-Marque (21), Jean-Baptiste Cazalou (22), Justin Coudassot (26), Edouard Courrèges (23), Jacques-Henri Courrèges (19), Alexis-Edouard Chapelie (25), Jean Hiaa (39), Edmond Jaymes (34), Joseph Laborde (21), Jean-Baptiste Lacoste (31), Paul-Alfred Lafourcade (21), Jean-Marie Lahourcade-Caza-let (21), Prosper Lahourcade-Cazalet (26), Pierre-Amédée Lamazaa (23), Jean-Mathieu Lamazaa-Parry (20),  Jean Loustalet-Pouey (39), Jean-Léon Marsaguet-Labirousque (29), Jacques-Bernard Masseillou (19), Jean-Léon Minvielle-Cambuston (28), Jean Miou (40), Edouard Pargade-Lu (29), Jean Peret-Cassou (25), Jean-Baptiste Peyroutet (22), Joseph Plouraboué (29), Jean-Sylvain Poumeroulou (22), Jean-Baptiste-Georges Quintaa (25), Jean-Georges Sarraille (23), Jean-Marie-Octave Sarrailhe (28), Louis Sansarricq (20), Léon Tauszia (27), Jean-Guillaume Toujaret-Bignes (20), Hippolyte Lafourcade (34).

On peut voir quelques sourires sur les visages des convives ce «banquet des Poilus» a été servi à Sauvagnon en 1919, quelques mois après la fin de la guerre.